Entre confinement et hypothétique regain d’intérêt pour la vie à la campagne, polémiques liées au monde agricole, crises, etc., on entend parler du lien entre ville et campagne et surtout du manque de liens.
Vivant actuellement à Paris et étant originaire de Picardie, les différences entre ces deux mondes me sautent souvent aux yeux. Elles se voient, entre autres, au travers de visions du monde parfois fort différentes entre urbains « bobo écolos » et ruraux parfois plus pragmatiques. (Je grossis volontairement les traits.)
Cette déconnexion est présente depuis longtemps, depuis que la production de l’alimentation s’est éloignée des villes rendant ainsi distante la relation entre ce qui se trouve dans notre assiette et comment celle-ci est produite et y arrive. (Cf Carolyn Steel – Ville Affamée)
Pourquoi avoir envie de faire du lien ?
Faire du lien me semble essentiel par l’aspect de faire ensemble société ; également, les enjeux agricoles et alimentaires me paraissent fondamentaux, car c’est la base de notre existence (sans nourriture pas de vie).
Le lien entre consommateurs principalement urbains et producteurs ruraux est essentiel pour choisir ensemble le type d’alimentation et donc de production que nous voulons. Il est important pour ne laisser personne de côté en ayant une alimentation selon la classe sociale : issue de l’industrie pour les plus pauvres et plus locale, bio pour les plus aisés avec les impacts santé liés : diabète, obésité pour ne citer qu’eux.
Ce lien permet aux agriculteurs et aux paysans d’être au contact des consommateurs, de garantir une certaine rémunération et de créer des boucles vertueuses entre la demande et l’offre permettant d’assurer aux territoires une certaine résilience alimentaire.
Quelles conséquences d’un manque de lien ?
Comme le montre le rapport du CNRS publié le 18 juin et comme d’autres rapports l’ont montré auparavant, nous avons besoin d’une « transformation structurelle profonde » qui est une « nécessité impérative ». Le système agricole actuel ayant des impacts « sévères et multiples » sur les écosystèmes et la santé humaine à travers la pollution de l’air et de l’eau, leurs émissions de gaz à effet de serre et la perte de biodiversité.
Pour changer de modèle agricole, la production doit être adaptée, mais pour un changement en profondeur la consommation aussi doit changer : les protéines doivent venir majoritairement des céréales, dont les légumineuses, et la place de la viande doit être réduite.
Pour mettre en œuvre un tel système, c’est bien toute la chaine, des producteurs aux consommateurs, qu’il faut impliquer pour aller ensemble vers une transformation radicale de nos modèles.
C’est à chacun de faire un pas vers l’autre pour faire ensemble société, répondre aux besoins et appréhender la complexité. Il faut inclure toutes et tous dans les changements que doit mettre en œuvre notre société.
Quelle faire pour rétablir un lien ?
J’imagine des agriculteurs et des paysans venant en ville présenter leurs savoir-faire et écouter les urbains pour que chacun apprenne à mieux se connaitre.
J’imagine toute la chaine alimentaire qui travaille pour permettre à tous les mangeurs d’avoir « à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive, leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active. » (Définition de la sécurité alimentaire adoptée au Sommet mondial de l’alimentation en 1996)
J’imagine des urbains qui vont à la campagne et qui prennent le temps d’aller visiter des fermes et de comprendre les enjeux (commerciaux, environnementaux, climatiques, etc.) auxquels font face les agriculteurs.
Des actions sont déjà en œuvre que ce soit via des espaces test agricoles qui facilitent l’installation durable de nouveaux agriculteurs, via des Projets Alimentaires Territoriaux qui veulent recréer du lien sur les territoires, via des AMAP qui créent du lien entre mangeurs et paysans, via de l’agriculture urbaine et périurbaine qui grâce à des visites et ateliers apportent du lien et des connaissances, etc.
Ce sujet est très vaste et passionnant et c’est un axe que je vais chercher à mieux connaitre dans le cadre de ma bourse Nuffield, pour voir ce que nous faisons en France, mais aussi ce qui se fait dans le monde pour apprendre des meilleures pratiques, retours d’expériences et partager ce savoir pour construire ensemble un monde plus durable. Il y a urgence…